1er dimanche du Carême (C)
Abbé Jean Compazieu | 27 février 2022Ensemble, enracinons notre foi dans la parole de Dieu
Homélie
Textes bibliques : Lire
Depuis mercredi dernier nous sommes entrés dans le temps du Carême. Ces quarante jours nous sont donnés pour revenir aux sources de notre foi et de notre baptême. Tout au long de cette période, nous sommes invités à nous laisser conduire par l’Esprit, comme Jésus au désert. Comme lui, nous serons affrontés aux épreuves et à la tentation. Mais si nous savons l’accueillir, la Parole de Dieu sera notre force. Le Christ vainqueur de tout mal veut tous nous associer à sa victoire sur la mort et le péché.
L’évangile de ce dimanche nous parle de trois localisations qui sont des sites bibliques majeurs dans le judaïsme. Ces lieux ne sont pas seulement géographiques. Ils ont une signification symbolique très forte. Ils nous rappellent, chacun à sa manière, comment Dieu s’est révélé à son peuple.
Tout d’abord, le désert : C’est là que Dieu avait conduit Israël pour le libérer de l’esclavage d’Égypte. Mais le désert, c’est aussi le lieu des privations. Le peuple était prêt à renoncer à sa liberté et à préférer les marmites de nourriture. Il en oublie sa vocation de fils chéri de Dieu. Le désert a été le lieu des murmures incessants contre Dieu et contre Moïse. Jésus a, lui aussi, été tenaillé par la faim. Mais il refuse de céder à la tentation de posséder et de consommer. Il est le Fils Bien-aimé du Père. Il veut lui être fidèle jusqu’au bout. Il répond par un rappel de la Parole de Dieu : “L’homme ne vit pas seulement de pain mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu”. Plus tard, il rappellera aux foules qu’il est lui-même “le Pain de Vie” venu du Père.
Le désert de nos tentations, nous le connaissons bien. C’est cette tendance à nous investir totalement dans la consommation des biens matériels. On cherche à posséder toujours plus, à n’importe quel prix. Au bout du compte, notre cœur devient aussi dur que la pierre. Il est incapable de s’ouvrir à la Parole de Dieu et de partager avec celui qui a faim. En nous fermant à Dieu, nous devenons imperméables à son amour ; nous renions notre identité de fils et de filles de Dieu. Ce premier dimanche de carême est là pour nous rappeler que nous avons traversé les eaux de baptême pour vivre libres. Il nous invite à revenir au cœur de notre foi et à nous laisser guider par le Christ sur le chemin de la conversion.
Le deuxième lieu dont nous parle l’évangile c’est le temple. C’était l’endroit privilégié où montait la prière d’Israël. C’est là qu’on avait pris l’habitude de se rassembler pour servir le “Dieu trois fois saint”. Or les prophètes avaient dénoncé le “culte inutile” qui s’y pratiquait : “Ce peuple m’honore des lèvres mais son cœur est loin de moi.” (Is. 29. 13) Au lieu de servir Dieu, on se servait de lui. Jésus refuse ce marchandage. Le Fils Bien-aimé du Père n’utilisera pas le temple en vue de son succès personnel. Sa mission sera au contraire de le “purifier” car il était devenu une “maison de trafic”. Plus tard, il annoncera qu’il est lui-même le vrai Temple de Dieu qui glorifie le Père.
Nous aussi, nous sommes souvent tenté de nous servir de Dieu et de la religion pour notre propre intérêt. C’est ce qui arrive quand nous comptons sur la bonté de Dieu pour assurer nos ambitions ou suppléer à nos erreurs ou nos folies. C’est aussi quand nous demandons à Dieu tout et n’importe quoi en pensant qu’il nous le doit bien. Mais on ne marchande pas avec lui. Il n’a aucun compte à nous rendre. Il nous aime totalement, gratuitement et sans mérite de notre part. Son amour dépasse tout ce que nous pouvons imaginer. Il attend de nous que nous tendions les mains pour accueillir cet amour dans notre vie et nous laisser transformer par lui.
Le troisième lieu dont nous parle l’Évangile, c’est la montagne. Elle nous fait penser au Sinaï. C’est là que Dieu avait donné sa loi à Moïse : “Écoute Israël, c’est moi le Seigneur ton Dieu… Tu n’auras pas d’autre Dieu que moi… Tu ne te prosterneras pas devant eux et tu ne les servira pas.” (Dt 5) Au pied de cette montagne, Israël s’est détourné de son Dieu et a sacrifié au veau d’or ; il s’est prosterné devant lui. Au pied de la haute montagne, Jésus a résisté à la tentation de l’idolâtrie. Le seul que nous devons adorer en esprit et en vérité, c’est Dieu.
Ce veau d’or devant lequel les hébreux se sont prosternés, nous le retrouvons sous d’autres formes dans le monde d’aujourd’hui. Notre monde se prosterne devant l’argent, le pouvoir, les biens de consommation. Pour les acquérir, il est prêt à toutes les bassesses. Chaque fois que nous nous compromettons de cette manière, nous finissons par nous retrouver seuls, loin de notre liberté baptismale.
Jésus a repoussé toutes ces tentations par un triple non à Satan et un triple oui au Père. Ce oui, nous le retrouvons tout au long de sa vie terrestre. A sa suite, nous sommes invités à faire le point, à redire le oui de notre baptême et à nous réajuster à cet amour qui est en Dieu. Aujourd’hui et tout au long de ce carême, c’est Jésus qui nous supplie :
“Changez vos cœur, croyez à le Bonne Nouvelle.
Changez de vie, croyez que Dieu vous aime.”
Télécharger : 1er dimanche du Carême
Le Carême commence le Mercredi des Cendres et s’achève le Samedi Saint. Durant cette période, les textes liturgiques nous remettent en mémoire la Passion de Jésus, ce n’est pas pour nous appesantir sur sa souffrance mais pour vivre avec Lui la montée vers Pâques. Le Carême n’est pas donc un temps de tristesse mais de renaissance ! Vivre le Carême, c’est prendre le chemin intérieur pour renouer contact avec Dieu. C’est faire silence en nous-mêmes pour nous mettre à l’écoute de la voix de Dieu. Prêter attention à sa Parole nous aide à capter sa lumière afin de mieux discerner les priorités de notre vie. Avec lucidité, nous entamons une démarche de transformation personnelle. Reconsidérons notre parcours spirituel sur les pas de Jésus. Laissons derrière nous un chemin pour entamer un autre avec la Parole de Dieu comme pain de route. En toute sincérité de cœur, mettons-nous à l’écoute de l’Esprit-Saint qui nous entraîne ailleurs. Il nous fait entrer dans l’intimité de Dieu !
L’Évangile de ce dimanche nous invite à suivre Jésus dans le désert. ‘Désert !’ Un lieu où l’on se retrouve sans détour, au grand jour, dans sa propre réalité. C’est aussi un temps d’arrêt, à l’écoute de son cœur et à la rencontre de Dieu. En tête-à-tête avec nous-mêmes et en toute sincérité devant Dieu. Un moment propice pour entendre sa voix et y répondre. Se retirer dans le ‘désert’, c’est se donner un temps pour apaiser une vie déchaînée ou, au contraire, pour relancer une machine endormie. C’est prendre du temps pour réexaminer la route sur laquelle nous nous sommes engagés. À l’image de la nudité du désert, des instants de quiétude dans la prière et la méditation nous permettent d’apprivoiser notre vie intérieure et redécouvrir notre chemin vers Dieu. En effet, happés par un rythme intense, notre vie est souvent un tourbillon d’activités : travail, loisirs, divers engagements… Un temps de pause est indispensable. De temps à autre, prenons du recul pour nous relancer ou nous réorienter vers une nouvelle direction. Quittons l’agitation du monde. Fuyons les décibels d’un quotidien tumultueux. Déblayons notre chemin pour avoir une meilleure vision sur l’objectif. Le recueillement nous recentre sur l’essentiel. Rien de tel pour alléger l’excédent de bagages qui entrave notre marche. Détachons-nous de tout ce qui nous rend prisonniers pour ne garder que l’indispensable. Une courageuse révision de vie. Or souvent, quitter nos habitudes nous effraye. Nous lancer dans une nouvelle aventure ou tenter un nouveau départ nous fait peur. Nous nous attachons à notre zone de confort !… Avec la grâce de Dieu, nous mettrons de l’ordre dans nos priorités. Une question s’impose : ‘Quelle place occupe Dieu dans ma vie ?’
Ce temps liturgique nous invite à approfondir le mystère de la Rédemption : le passage de la Passion à la Résurrection, de la mort à la Vie. Nous nous rappelons de la parabole du grain qui meurt pour renaître : « Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul; mais s’il meurt, il donne beaucoup de fruit. » (Jn 12:24) Un profond bouleversement, une métamorphose pour repartir de plus belle. Un merveilleux symbole de la Vie qui s’exprime dans sa totalité. À la suite du Christ ressuscité, tout chrétien doit quitter une vie stérile pour renaître dans un avenir plus fécond. « Celui qui aime sa vie la perdra; celui qui s’en détache en ce monde la gardera pour la vie éternelle. » (Jn 12:25) C’est le moment de changer nos comportements afin d’arriver à la grande fête de Pâques avec un cœur nouveau. Il est donc urgent de nous arrêter pour réexaminer notre chemin parcouru. Car tout n’est pas encore très clair dans notre parcours de foi. Et Jésus veut nous accompagner dans cette démarche. Comme à cet homme chez qui Il veut célébrer sa dernière Pâque avec ses disciples, Jésus nous dit : « Mon temps est proche, c’est chez toi que je veux célébrer la Pâque… » (Mt 26:18)
Durant ce temps de Carême, ne nous arrêtons pas sur la Passion et la mort de Jésus mais fixons notre regard sur sa Résurrection. « Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie. » (Jn 14:6) nous dit Jésus. Jésus nous encourage à un réel changement de vie. Emboîtons ses pas. Traversons avec Lui sa Passion jusqu’au but ultime de sa Résurrection. Osons Le suivre sur le même itinéraire où la joie et la souffrance sont intimement liées. En route avec Jésus, saint Paul nous invite à passer du ténèbre à la Lumière, de la mort à la Vie. « Réveille-toi, toi qui dors, relève-toi d’entre les morts, et Christ t’éclairera. » (Éphésiens 5:14) Avec Jésus, il nous exhorte à toujours vivre dans l’espérance et l’Amour. « Vivez dans l’amour, comme le Christ nous a aimés et s’est livré lui-même pour nous, s’offrant en sacrifice à Dieu, comme un parfum d’agréable odeur. » (Éphésiens 5:2)
Bon Carême à toutes et à tous !
Nguyễn Thế Cường Jacques